Le cinéma catalan contemporain
Large rétrospective mettant à l'honneur le nouveau cinéma catalan, des années 1960 à aujourd'hui.
Nouveau cinéma catalan
A la mort du dictateur Francisco Franco, le 20 novembre 1975, et à l’avènement de la démocratie en Espagne, le cinéma espagnol a connu un essor sans précédent. Les cinéastes qui travaillaient dans l’ombre depuis des années ont été mis en lumière, comme Carlos Saura, et de nouveaux talents issus en particulier de la Movida madrilène, en premier lieu Pedro Almodóvar.
Du côté de Barcelone, la grande cité catalane, opprimée durant le fran- quisme, des voix nouvelles se font entendre pour introduire un autre ton, une autre pensée du cinéma, à travers notamment quelques pionniers de celle que l’on nomme «l’école de Barcelone»: Vicente Aranda, Joaquim Jor- dà ou l’inclassable Pere Portabella (auquel un documentaire saisissant vient d’être présenté à Venise, à découvrir ici).
La ville s’affirme peu à peu comme «l’autre capitale» du cinéma en Espagne. S’y crée en 1975 l’Institut catalan du cinéma et en 1981 la cinéma- thèque catalane. Plusieurs espaces de formation sont fondés, en 1991 au sein de l’Université Pompeu Fabra, puis en 1993 avec l'Escola Superior de Cinema i Audiovisuals de Catalunya (ESCAC). La Catalogne met aussi en place ses propres structures de soutien financier et de promotion du cinéma.
Si certains, comme la réalisatrice Isabel Coixet, vont viser des carrières internationales, c’est surtout une cinématographie à la fois marginale et très créative qui se développe dès les années 1990, en particulier dans une narration qui rejette les frontières des genres et de l’expérimentation, traver- sant volontiers la fiction et le documentaire, comme dans le travail magistral de José Luis Guerín (Tren de sombras, 1997).
Les festivals à la recherche de nouvelles propositions s’intéressent rapidement à ces nouveaux cinéastes, comme Marc Recha, découvert et primé à Locarno (L’arbre de les cireres, 1998), Isaki Lacuesta, révélé à Rotterdam (La Leyenda del tiempo, 2006), ou Albert Serra à la Quinzaine à Cannes (Honor de Cavalleria, 2006). Sans oublier, dans le sillage du prestigieux festival du cinéma fantastique de Sitges, des films de genre remarquablement décalés comme [REC] de Jaume Balagueró et Paco Plaza (2007) et de nom- breux films d’animation.
Au fil des années 2000, ces nouveaux talents s’affirment sur la scène internationale: Serra rafle le Léopard d’Or à Locarno avec Història de la meva mort (2013), plusieurs César en France avec Pacifiction (2022) et récemment la Concha de Oro à San Sebastián avec son Tardes de Soledad (2024), film ultime sur la tauromachie. Lacuesta obtiendra deux fois cette même récom- pense, la première avec Los Pasos dobles (2011) et Entre dos aguas (2018). Son dernier film, Segundo premio (2024), sera présenté ici en première suisse.
Mais il faut ajouter à ces noms de nombreuses figures plus jeunes encore, et en particulier des femmes, comme la remarquable Carla Simón qui a rem- porté à Berlin, le prix de la meilleure première œuvre avec Estiu 1993 (2017) et l’Ours d’Or avec son deuxième long métrage, Alcarràs (2022). Ou encore Elena Martin avec Creatura, présenté à Cannes à la Quinzaine en 2023, projeté ici en première suisse.
Frédéric Maire
Les autres films de la rétrospective
La Cinémathèque suisse présente un panorama de la richesse et de la diversité du nouveau cinéma catalan avec des classiques, comme Los Tarantos de Rovira Beleta, ancré dans la tradition flamenco, les œuvres contemplatives de José Luis Guerín, telles que Tren de sombras et En la ciudad de Sylvia ou encore l'introspection poétique à la réinvention des classiques littéraires avec Honor de cavalleria d'Albert Serra. Les films contemporains de Carla Simón apportent un regard intimiste sur l'enfance et la ruralité, tandis que des œuvres comme My Life Without Me d’Isabel Coixet et La plaga de Neus Ballús soulignent l'humanité et la résilience.
Biographie(s)
Isaki Lacuesta
Né en 1975 à Banyoles en Catalogne, Isaki Lacuesta étudie la communication audiovisuelle à Barcelone avant de passer à la réalisation. Ses courts métrages, ainsi que son premier long, Cravan vs Cravan (2002), sont salués par la critique et le public espagnol. En 2006, il réalise La leyenda del tiempo, qui se distingue particulièrement à l’étranger et remporte de nombreux prix. Ses films ont été projetés dans des festivals internationaux et dans des centres artistiques tels que le MoMA à New York, la National Gallery de Washington ou le Lincoln Center à New York. Considéré comme l’un des cinéastes espagnols les plus prometteurs, il a réalisé à ce jour onze longs métrages. La Cinémathèque suisse, qui a présenté en avant-première La propera pell (2016) et Entre dos aguas (2018) entre autres, lui a consacré une rétrospective en 2017.
Biographie(s)
Luis Miñarro
Evénement(s)
Séance présentée par Pablo La Parra Pérez, directeur de la Fimoteca de Catalunya
Mercredi 12 février à 18:00
Roméo et Juliette à Barcelone
Romance tragique à la West Side Story entre deux jeunes gitans de familles rivales. A cheval entre les leçons du néoréalisme et la liberté expressive des comédies musicales, le film capte les tensions de classe de la Barcelone franquiste, inscrites dans la géographie urbaine et les corps qui l'habitent. Il en résulte un portrait inédit des bidonvilles de Barcelone, dignifiant, comme jamais auparavant, la musique et le flamenco.
Séance du 12 février présentée par Pablo La Parra Pérez, directeur de la Fimoteca de Catalunya